vendredi 9 novembre 2012

EXIL 1 Aurélie Pétrel, Blaise Cendrars

Aurélie Pétrel, de l’aube à l’aube

                                                   Des liaisons dangereuses
               
               A l’aube de tout mystère ! J’ai vu la photo d’une photo d’Aurélie Pétrel, de son exposition « A l’Aube », préparée et bientôt en cours à Lisbonne, et j’ai lu « Les Pâques à New York » de Blaise Cendrars. Voilà ce qui m’est arrivé (évènement au 12, Domaine du Vaudon):

                 De l’aube à l’aube il n’y a qu’un vol (de plume sans ailes)
           De l’aube d’un aéroport à Tokyo, ou l’artiste était présente cette année même (Malek Abbou l’accompagnait-il ou pas ?). Un siècle plus tôt, en avril, Blaise Cendrars était présent à New York et écrivait, dans « Les Pâques à New York » :
                « L’aube tarde à venir, et dans le bouge étroit
                Des ombres crucifiées agonisent aux parois.
               
                Seigneur, l’aube a glissé froide comme un suaire
                Et a mis tout à nu les gratte-ciel dans les airs. »
D’une aube l’autre : le blanc – le pâle – la transparence.  
Mais aussi du blanc spectral de l’aube, moment de la journée, au blanc mat du vêtement, aube enfilée par les officiels des cultes religieux. Et l’aube enfilant l’aube : le matin se couvrant du blanc avant la cérémonie du levant.
J’ai cru déceler dans le verre qu’Aurélie Pétrel utilise pour redimensionner ses photos, une aube, à la fois figée et vivifiante. Leur tombeau saint d’où la photo va sortir ressuscitée.
D’ici au suaire il n’y a qu’un pas. L’aube qui devient suaire dans le vers de Blaise Cendrars me le confirme. La vitre d’Aurélie Pétrel devient l’habit, après avoir été le linceul. Le baptême après la résurrection. Je le préfère (aussi !), cet ordre.
                Alors son vernissage à Lisbonne, le 10 novembre, pourrait être un tel baptême : « Tu es une création nouvelle, […], ce vêtement blanc en est le signe. »[1] Ainsi, l’aube n’est-il pas le vêtement du sacerdoce ministériel, mais du sacerdoce baptismal.
                Et l’art d’Aurélie Pétrel – est-il un sacerdoce ? Renée ? Non – Aurélie… Du grec « aurios », «matinée », aurore. De l’aube vers l’aurore, le levant (et le Pays du soleil levant !) à travers le verre (l’aube de verre).
Comment  a-t-elle travaillé jusqu’à maintenant ? Elle nous le dit elle-même : « […] une manière singulière d’aborder l’image. L’une d’elle a par exemple été, avec Reboot, de l’aborder avec le volume, en détachant la partie blanche qui est normalement directement collée à l’image. […]C’est le papier blanc, RC ou baryté, qui va enregistrer les informations de l’agrandisseur. Ce qu’on appelle la photographie c’est le support physique. Dans les modules que j’ai présentés au Palais de Tokyo, j’ai simplement enlevé ce blanc, que j’ai traduit sous la forme de volumes : l’angle d’une pièce par exemple. […] J’ai travaillé de manière à ce que les images gravées sur verre puissent être lues à la fois comme des photographies et comme des volumes. Le deuxième axe sur lequel j’ai travaillé, c’est le fait que ces photographies soient transparentes : il y avait cette notion de présent, qui normalement est exclue de la photographie. »
Va-t-elle encore renaître, à travers d’autres « manières » ? Affaire à suivre.


[1] Entre les crochets : « … tu as revêtu le Christ…. » (Voir Ga 3,27.)